Jean de Matha et Félix de Valois, fondateurs de l’Ordre de la Sainte Trinité et des Captifs, façonnent dans leur vie la devise trinitaire : « Gloire à Toi Trinité! Aux captifs liberté! »
La devise trinitaire, la vie de Jean et Félix, l’action libératrice des Trinitaires à travers l’histoire, sont la réponse à un appel de Dieu. Ainsi, il ne faut pas séparer la vie mystique de l’action, la grâce du rachat, la contemplation de la praxis.
C’est précisément ici que nous découvrons l’importance et la tradition de la Vierge Marie dans notre Ordre. Une tradition ancienne, largement représentée dans les peintures et les récits poétiques de l’Ordre est celle de l’apparition de la Vierge à Saint Félix de Valois dans la nuit du 7 au 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge. Selon la tradition, le frère en charge de sonner la cloche pour appeler les frères à l’office des matines, ne s’est pas réveillé. Saint Félix de Valois, fidèle à la prière, s’est rendu à la chapelle mais il était seul. Alors, la Vierge Marie et les anges sont apparus pour chanter l’office divin avec lui. Chaque année cet événement est souligné à Cerfroid par une messe célébré, habituellement le soir de cette date commémorative par l’évêque de Soissons, avec la participation des Trinitaires et des gens des alentours. La célébration est suivie d’une procession aux flambeaux.
Depuis lors, dans tous les chœurs de prière des frères et des sœurs trinitaires, une image de la Vierge a été placée à l’endroit correspondant au supérieur, comme symbole que c’est elle qui préside et accompagne dans la prière, comme elle l’a fait avec les premiers disciples au cénacle. C’est cette tradition qui a uni le titre de Notre-Dame de Grâce à l’Ordre trinitaire, en mettant l’accent sur la contemplation et la prière pour recevoir et prolonger la grâce de Dieu, afin de pouvoir sauver authentiquement nos frères privés de liberté. Cette invocation mariale s’est répandue plus fortement dans la réforme trinitaire de saint Jean-Baptiste de la Conception, nous aidant à nous rappeler que la libération du peuple n’est totale que si nous y unissons la réception de la grâce. Autrement, nous briserons simplement des chaînes, mais nous ne ferons pas vraiment une œuvre de rédemption.
Il existe aussi une autre tradition liée aux origines de l’ordre trinitaire, cette fois elle est liée à la figure de Jean de Matha. L’appel de Dieu à la rédemption des captifs est suivi d’une joie devant la réponse et d’étonnement devant les moyens de l’accomplir. L’activité rédemptrice de l’Ordre Trinitaire qui était naissant devient un véritable casse-tête pour Jean de Matha et les premiers rédempteurs trinitaires. Non seulement doivent-ils obtenir assez d’argent pour acheter la liberté des captifs, mais ils doivent aussi faire le voyage dans des lieux qui sont en guerre avec les chrétiens, et convaincre ceux qui ont des esclaves musulmans de les libérer et ainsi pouvoir les échanger pour des esclaves chrétiens. Toute une entreprise pleine de risques et d’incertitudes, pour laquelle Jean trouve peu de solutions. Et c’est ici que se situe la tradition la plus connue et la plus mémorable de la Vierge Marie avec les Trinitaires. Selon son récit, alors que Jean de Matha se promenait le long d’une plage près de Marseille, totalement déprimé par le manque d’argent pour l’œuvre de rédemption, la Vierge Marie lui apparut. Elle lui donna un petit sac avec assez d’argent pour le sauvetage des prisonniers chrétiens, lui promettant qu’il ne manquerait jamais de son secours. C’est ainsi que les Trinitaires se consacrèrent dès ce moment à Notre Dame du Remède (ou du Rachat) comme patronne de la rédemption. Voilà ce qui explique le fait qu’elle est représentée avec une petite bourse à la main droite. Depuis le Concile de Trente, nous pouvons voir l’image avec l’Enfant Dieu dans la main gauche. En fait, dans beaucoup d’images la bourse avec de l’argent est enlevé parce que l’Enfant, Jésus Christ, est vraiment le prix de notre Rédemption, payé par Dieu pour la rançon de l’humanité entière. Et elle, Marie, est et demeure le remède à cette rançon puisque Corédemptrice et porte du salut.
Du XIIe au XXIe siècle, l’Ordre Trinitaire a maintenu cette double pratique : la contemplation et l’action, qui a trouvé son reflet dans les fondateurs, Jean et Félix, mais aussi dans leur dévotion et leur tradition mariale : Notre-Dame de Grâce et Notre-Dame du Remède. Elle nous rappelle à tous que la libération de nos frères et sœurs, toute l’aide que nous pouvons leur offrir, reste creuse et vide si elle ne naît pas de la grâce, de la contemplation, de la libération intérieure en chacun de nous. Elle nous rappelle qu’avant de réparer les maux et les peines que nous rencontrons autour de nous, nous devons sentir l’amour et la tendresse de Dieu dans la grâce qui jaillit dans notre cœur. Elle nous rappelle que Marie nous invite, comme ce soir à Cana en Galilée, à écouter et à faire comme il nous dira puisqu’elle est grâce et remède.
(Texte de Pedro J Huerta Nuño, osst)