Depuis 3 dimanches, nous sommes dans la vigne du Seigneur : les ouvriers de la dernière heure, les deux fils invités à travailler dans la vigne de leur père et aujourd’hui la parabole des vignerons homicides.
Le texte d’Is met clairement en place la tragique histoire d’amour de Dieu et de son peuple : pourquoi l’amour n’est pas aimé ? Combien de spirituels ont fait l’expérience de ce rdv manqué ? C’est ce que raconte le chant du bien aimé à sa vigne. C’est bien d’amour dont il est question ici. C’est vrai que le vigneron est amoureux de sa vigne. Il en prend soin, il chérit sa vigne . Or lors de la récolte, pas d’ivresse ! Au contraire, en lieu et place, une immense déception. L’amour déçu se retourne contre lui-même. Non seulement le Bien-aimé se retire de l’amour pour sa vigne mais il la livre aux tout-venants. Ce qui est raconté là est hélas une expérience humaine très fréquente. Dieu ne serait-il pas au dessus de tout cela ? L’amour ne Dieu n’est-il pas inconditionnel ? Croire cela et en vivre dans sa propre vie est un long chemin. Le psaume responsorial de ce dimanche ouvre une perspective : celle de la supplication : Seigneur Dieu de l’univers, fais-nous revenir : que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés. Il s’agit bien de salut. L’amour de Dieu est un amour sauveur. Il s’agit aussi de notre conversion. Dieu ne nous laisse pas à la merci de notre cœur endurci. La parabole de l’évangile de ce dimanche semble reprendre la parabole d’Is. Pourtant, il ne s’agit plus uniquement de l’amour du vigneron pour sa vigne, un personnage nouveau s’est introduit dans le récit, le propriétaire qui laisse des vignerons s’occuper de sa vigne. La colère de l’amour déçu n’est plus contre la vigne qui, dans la parabole d’Is, mettait clairement en scène Israël mais les vignerons homicides. La question est posée aux adversaires de Jésus qui cherchent à le tuer. Quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Pour répondre à la logique de l’amour trompé et méprisé, les auditeurs de Jésus répondent dans la logique de la vengeance : mort aux meurtriers et choix d’autres vignerons. Pourtant la réponse de Jésus n’est pas celle-là et c’est la pointe de la parabole. La pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. La réponse de Jésus à la haine, c’est le mystère de la pierre rejetée, de l’amour rejeté.
Dieu n’accepte pas le mal. Mais sa réponse n’est pas dans l’imitation de la violence. Dieu n’est pas l’otage du mal. Il répond au scandale du mal par un autre scandale, une autre folie, celle de l’Amour infini, inconditionnel, immérité et éternel du Seigneur qui frappe à la porte de notre cœur. La réponse du Père au scandale du mal, on la découvre petit à petit dans la réponse du Fils sur la Croix. C’est vrai que l’humiliation, la souffrance, la défiguration du plus beau des enfants des hommes est en soi un scandale. La Croix s’est peu à peu imposée comme signe de l’Amour car seul l’Amour a pu permettre au Christ de la porter. Seul, l’Amour pour le Père, l’Amour pour nous, porté jusqu’en son incandescence, poussé jusqu’aux extrêmes, descendant jusqu’aux enfers, peut justifier le scandale de la Croix. A l’Amour du Fils, répond l’amour du Père qui détruit et anéantit toutes forces de mort par la résurrection. De la Résurrection, nous en vivons déjà, telles des semences de Vie dans nos aujourd’hui, mais c’est de nuit, dans l’attente de son accomplissement. La réponse de Dieu au scandale du mal n’est pas à chercher à l’extérieur de nous-même; elle passe par notre propre cœur. Saisir en Christ, la vie plus forte que la mort est un geste indispensable pour entendre cette réponse et nous sentir exister comme être humain. Pourtant, dans certaines situations précises qui nous semblent désespérées, nous ne voyons que le malheur! Nous avons beau écarquiller les yeux, la souffrance paraît avoir tout emporter sur son passage. Le premier pas ne serait-il pas de décider d’ouvrir les yeux au risque de découvrir au delà de la misère du monde notre propre misère moins visible, plus intérieure mais bien réelle ! Alors, nous pourrons être touchés par le malheur de l’autre et entendre l’appel, l’invitation à l’espérance ?Espérer en cet homme-là, cette femme-là ou encore en cet enfant, dont nous aurions tendance à désespérer, c’est le regarder autrement, c’est le voir avec les yeux de Dieu, c’est le fruit d’un travail intérieur qui nous pousse à aller plus loin, à nous laisser transformer par l’action de Dieu. Alors, nous verrons vraiment…Alors nous décèlerons en cet homme-là, en cette femme-là, en cet enfant, grandeur et dignité. Alors, nous comprendrons que malheur et espérance peuvent se parler.
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