Nous fêtons l’Assomption de Marie. Les orientaux parlent de dormition (une manière de dire que Marie n’est pas passée par la mort). Deux termes donc pour contempler en Marie la victoire de Jésus sur la mort. En cette solennité de l’Assomption, nous contemplons donc cette victoire de la vie sur la mort, déjà accomplie en l’humanité de Marie. Non seulement, Marie n’a pas été emportée par la mort mais elle a été assumée corps et âme dans la gloire céleste. ( formulation du dogme de l’Assomption)
L’Assomption de Marie n’est pas un privilège. Si Marie est la première en chemin, c’est comme chef de cordée. Elle nous accompagne et nous guide, nous qui avons à traverser les ravins de la mort. Marie est mère. Cette vie plus forte que la mort, elle nous l’enseigne comme une mère peut l’enseigner à ses enfants pour que nous même nous l’enseignions à notre tour. Marie assumée dans la gloire, c’est à dire dans le rayonnement de l’amour de Dieu veut nous transmettre son expérience. L’Écriture nous raconte quelques éléments clés de sa vie pour nous mettre sur le chemin de l’assomption de notre propre vie. Dieu première cause du salut mais nous aussi nous sommes acteurs dans cette victoire de la vie sur la mort. Ce n’est pas sans nous. Nous entrons dans cette victoire toujours un peu plus à chaque fois que nous choisissons la vie plutôt que la mort. Dans la joie, comme dans les épreuves, parfois jusque dans la détresse, nous avons à choisir la vie.
Cette victoire de la vie sur la mort, accomplie en Jésus-Christ, accomplie en Marie reste à s’accomplir dans la vie de chacun d’entre nous. Dans notre propre combat pour choisir la vie, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse comme il a porté la mission de Marie. Pourquoi Marie se hâte-t-elle pour visiter sa cousine Elisabeth, enceinte de six mois ? Depuis l’Annonciation, tout se précipite rapidement. Dieu est à l’œuvre dans l’invisible, tellement à l’œuvre que cela finit par se voir. C’est tellement puissant que cela surgit de l’invisible pour se manifester dans les paroles et les gestes qu’échangent cette jeune femme nommée Marie et cette vieille femme sa cousine Elisabeth, toutes les deux enceintes. Marie a salué Elisabeth.
Qu’a-t-elle dit de plus que le shalom traditionnel ? Un mot tout simple de politesse et pourtant ce mot déclenche en Elisabeth un bondissement de l’enfant qu’elle porte. Elisabeth dans la joie des naissances toutes proches de Jésus et de Jean-Baptiste fait l’expérience de cette communication vitale par Marie. Les deux futures mamans vont exprimer une allégresse qui dépasse de beaucoup la joie humaine de porter et d’enfanter la vie. Marie, communiquant la joie ! Mais qui agit dans cette communication ? C’est l’Esprit Saint qui est à l’œuvre, c’est l’Esprit Saint qui a recouvert de son ombre Marie, c’est encore lui qui l’a conduite en hâte vers sa cousine Elisabeth, c’est l’Esprit Saint qui a fait tressaillir l’enfant, c’est l’Esprit Saint qui fait prophétiser Elisabeth, c’est l’Esprit Saint qui procure à ces deux futures mamans une joie qui dépasse tout. Cette allégresse venue de l’Esprit Saint exprime un bonheur en Dieu, envahissant tout l’être, corps compris et cela dans la sobre ivresse de l’esprit Saint. Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur … crie Elisabeth : communication vitale, je dirai, de ventre à ventre, de la vie divine, dans une profonde explosion de joie. Elisabeth a reconnu Jésus à peine conçu comme son Seigneur.
C’est dire que l’Esprit Saint a illuminé de sa lumière son intelligence et déjà la bonne nouvelle se propage. Paradoxe inouï : cette vie plus forte que la mort surgit d’une vierge donnant la vie à un enfant et quel enfant. Elle se manifeste en Elisabeth, vieille femme n’espérant plus mettre au monde un enfant. La vie plus forte que la mort surgissant de l’impossible, là où ne l’attend pas, là où on ne l’attend plus. Donc: victoire de la vie sur la mort, œuvre de Dieu certes mais pas sans moi. Cette victoire de la vie sur la mort n’est pas sans moi comme elle n’a pas été sans Marie. Et c’est donc maintenant que se continue dans nos propres vies le combat contre la mort. Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. C’est la cri d’allégresse que pousse Marie.
Il y a là déjà la joie de la vie plus forte que la mort. C’est déjà là, comme par anticipation la joie de la Résurrection. L’âme de désir de Marie, toute tournée vers la grandeur de Dieu est comme aspirée vers la Transcendance. Son âme, c’est sa personnalité, son intelligence, son affectivité et sa volonté, en fait toutes ses capacités humaines. Âme est pratiquement équivalent au mot cœur, dans le sens biblique du terme. L’esprit est une partie spécifique de l’âme, de la psyché dirons-nous maintenant. Par l’esprit, tout homme peut communiquer avec Dieu, en fait l’esprit est ce que St Paul appelle l’homme intérieur, sa partie spirituelle… L’esprit de Marie est dans la joie. Ce dernier, par son intuition a été plus rapide que son intelligence pour réagir à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Déjà en Marie, des semences de résurrection. « Marie se rend avec empressement ». Quelle urgence derrière cette hâte ? Aucune urgence, juste l’action de l’Esprit saint qui presse Marie à faire cette visite à Élisabeth. Ce que nous contemplons dans l’Assomption, c’est Marie dont l’esprit s’est tellement laissé travailler par l’Esprit Saint que tout son être jusque dans son corps a été assumé par Dieu.
La Gloire de Marie, c’est cette communication parfaite avec l’Esprit de Dieu jusque dans son corps. Nous sommes nous aussi appelés à ouvrir notre esprit à l’Esprit Saint. Dans ce monde si peu spirituel, il est difficile de comprendre l’importance de faire grandir en nous l’homme intérieur, de miser sur cette capacité que nous avons de rencontrer Dieu dans ce lieu spécifique de notre âme. Nous sommes capables de Dieu, capables de le rencontrer dans ce lieu appelé l’esprit, lieu de la prière, de la foi, de l’espérance et d’Amour.
Marie a été assumée corps et âme dans la gloire céleste. Qu’est-ce que la gloire céleste?
La gloire de Dieu est à l’opposé de la gloire humaine qui est souvent volonté de puissance. Il est Rayonnement de l’Amour de Divin.
Dans le Magnificat Marie chante une révolution silencieuse opérée par la venue du Christ. Marie affirme que Dieu : « Déployant la force de son bras, disperse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes, élève les humbles. (Lc 1, 51 s.). Elle indique de manière implicite un domaine précis dans lequel il faut commencer à combattre la « volonté de puissance », notre cœur. Notre intelligence (« les pensées du cœur ») peut devenir une sorte de trône sur lequel nous siégeons, pour dicter des lois et foudroyer ceux qui ne s’y soumettent pas. Nous sommes sur le plan des désirs au moins, sinon dans les faits – des « puissants sur des trônes ». Dans la famille elle-même, il peut arriver malheureusement que notre volonté innée de domination et de répression se manifeste, provoquent des souffrances continues à ceux qui en sont victimes ;
Qu’oppose l’Evangile, au pouvoir ? Le service ! Un pouvoir pour les autres et non pas sur les autres. Un lieu important où nous musclerons en nous notre esprit, où nous faisons grandir l’homme intérieur, c’est l’humble service. Quand nos capacités humaines diminueront et c’est le cas déjà pour certains d’entre nous, nous nous sentirons dépossédés, il ne nous restera plus que l’essentiel l’esprit, l’homme intérieur, qui grandit comme dit St Paul quand l’homme extérieur diminue.
Que cette Eucharistie, reçue humblement nous apprenne à compter sur le Seigneur qui vient nous enseigner au fond de notre âme l’humble service que Marie exprime en ces termes le jour de l’Annonciation : Je suis l’humble servante du Seigneur.
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