Le chapitre 6 de St Luc nous introduit dans une nouvelle vision du monde et des autres. Après avoir rappelé que le sabbat est fait pour l’homme et non le contraire, avoir guéri la main paralysée d’un homme dans la synagogue, avoir prié sur la montagne puis avoir choisi les Douze et proclamé des Béatitudes très concrètes et réalistes, voici Jésus qui poursuit son discours et ouvre une voie nouvelle de relation avec les autres et donc avec Dieu. C’est l’amour qui est mis en avant. L’amour doit guider nos pas et notre regard ; il oriente notre vie et notre attitude, il est la source de nos relations personnelles et sociales. Si l’amour est vécu envers amis et ennemis, il semble que nous répondions à notre vocation de créatures nouvelles en Christ, c’est-à-dire de fils et filles du Père dans l’Esprit du Fils. L’amour requis est gratuit et vrai. Il vient de notre amour de Dieu et nous plonge dans l’amour trinitaire. Sommes-nous prêts à cet amour exigeant qui correspond à notre vocation filiale et donc à notre identité ? Nous sommes passés du vieil Adam au Nouvel Adam. Un monde nouveau s’ouvre.
- Créatures nouvelles.
St Paul nous rappelle quelque chose d’essentiel : nous sommes sauvés en Christ er donc participants de sa victoire. Le Christ est ressuscité et nous ressuscitons en Lui par notre baptême dans la force de l’Esprit Saint. Cette victoire a produit en nous des fruits nouveaux mais surtout a transformé notre identité. Créés à l’image de Dieu, nous sommes maintenant reconnus comme images du Fils. Notre vie nouvelle s’enracine en Lui et tout désormais nous gagne à cette communion. Par le Fils, c’est la communion trinitaire qui est possible car c’est l’amour qui parle en nous.
Créature d’argile : certes, nous sommes des êtres d’argile et donc fragiles. Notre création est d’une beauté merveilleuse mais d’une fragilité vertigineuse. A l’image et à la ressemblance de Dieu, nous sommes de la terre avec toute sa beauté mais toutes ses limites. On ne peut prétendre être Dieu, ce que fera Adam. On ne peut refuser d’être limité sous peine de rivalité et de dépression. On ne peut prétendre à être autre chose qu’un homme ou une femme. Il y a quelque chose de vulnérable à reconnaitre cela mais de tendre aussi. Le péché vient pervertir cette réalité et le mal peut nous détruire de l’intérieur. On sait qu’Adam a refusé ses limites et par là s’est détourné de sa vocation. Il est entré en rébellion pour obtenir ce que Dieu pouvait lui offrir gratuitement. Cette résistance a bouleversé notre histoire et a rompu des liens essentiels.
Créature nouvelle : c’est le Christ qui est venu rétablir les choses. Pour cela, il a souffert et a affronté les affres du péché et de la mort. En prenant sur lui tous nos déboires et toutes nos faiblesses blessées, il a pu renouer les liens avec le Père et donner abondamment l’Esprit Saint. Le pardon est accordé. La vie nouvelle est donnée. La relation vraie est possible. Le Christ nous donne ce qu’Adam prétendait prendre de force : la vie divine. Don gratuit, elle est participation aux relations trinitaires. On ne peut devenir Dieu mais on peut participer dans la communion à la nature divine. Bien qu’images de Dieu, nous prenons le visage du Fils pour être reconnus fils et filles du Père. St Paul dit qu’on sera « à l’image de celui qui vient du ciel ». Au-delà de la beauté de l’expression, c’est une réalité vivante et dynamique. Elle guidera désormais nos vies fragiles mais plus que riches.
Créature spirituelle : créés en Dieu et à son image, recréés en Christ et à son image de Fils, nous sommes créatures nouvelles dans l’Esprit Saint. Il guide et transforme. Il transfigure et recrée. Il sanctifie et identifie. Tout en gardant notre nature, l’Esprit insuffle en nous la vie divine car il a permis en Christ l’éclosion de l’image du Fils. La vie spirituelle est donc possible, la transcendance est possible, la vie en Dieu est possible.
Est-il besoin de se tourner vers des spiritualités orientales pour affirmer le poids du spirituel dans notre existence et suivre sa voie ? Malheureusement combien de nos contemporains veulent trouver en Orient ce qu’ils ont chez eux ? Il existe même de spiritualités sans Dieu dans lesquelles on se cherche finalement soi-même en mettant en valeur l’aspect spirituel de sa vie. Nous sommes faits de terre et sommes animés par l’Esprit. Notre humanité n’empêche en rien la vie spirituelle qui, dans le christianisme, est vie en Dieu mais un Dieu personnel qui accueille nos personnalités transfigurées en Christ et qui permet la communion dans l’amour. On se souviendra des écrits de nos grands mystiques comme St Jean de la Croix, St Thérèse d’Avila…
- Nouveaux regards sur les autres.
Jésus, dans l’Evangile du jour, nous emporte dans la nouveauté de la vie en Lui. Cette vie est exigeante et ancrée dans l’amour. Elle repose sur la miséricorde et nécessite le pardon. Elle n’est pas seulement tournée vers ceux qui nous aiment, elle se solidarise de ceux qui nous sont hostiles et nous persécutent. Elle englobe tout homme avec qui la relation est possible si elle s’enracine dans l’amour.
Amour : l’amour, c’est Dieu lui-même. C’est comme sa définition ou plutôt son identité. Il est amour et donc don de soi et réception de soi. Il est communion et relation. Cet amour pur est éternel et nous a créés et sauvés. Il exige la communion et la relation véritable dans un échange qui fait grandir en humanité et en spiritualité. Voyons Jésus qui demande d’aimer même nos ennemis car l’amour est notre identité et notre dynamisme. La haine nous détruit et mine nos relations. Elle nous enferme dans une vengeance mortifère qui ne résout rien et nous enchaîne. Nous pouvons à peine imaginer ce que serait un monde où chacun ferait l’effort d’aimer ! C’est pourtant la voie choisie par le Christ, qu’il a vécu lui-même et qui ouvre les portes du Royaume. Nous pouvons à peine imaginer ce qu’est le Paradis dans lequel nous sommes appelés à la communion dans les relations entre le Père, le Fils et l’Esprit !
Miséricorde et pardon : les relations sociales changent quand la miséricorde et le pardon règnent. Miséricorde qui appelle à la compassion et à la reconnaissance de la misère humaine mais aussi aux possibilités de changement et d’amélioration. Sentir « remuer » son cœur et ses entrailles aux difficultés des autres et mettre en œuvre la créativité de l’amour pour les résoudre font partie de notre agir chrétien. Pardon qui n’enferme pas dans le passé ou dans l’erreur mais donne possibilités de renouveau et ouvre des portes insoupçonnées de l’âme.
Jésus demande de nous dépasser, de faire mieux que les païens qui aiment, pardonnent et font miséricorde à leurs amis. Si les païens sont capables d’amour et ont compris que cette voie était utile dans leurs relations, combien plus nous autres, chrétiens, savons que c’est la voie royale dans les relations mais pour tous et envers tous grâce à l’amour de Dieu. Nous savons et vivons de cet amour qui sourd du Cœur de Dieu qui est le cœur palpitant de la Trinité.
- Conclusion : l’amour nous anime !
Jésus nous invite à aimer, non pas en parole mais en vérité. Cet amour n’est pas un simple sentiment ou une passion passagère. Il est don de soi qui se reçoit de l’autre mais surtout de Dieu. L’amour est gratuit et ouvert à l’humanisation. On devient plus humain en aimant et de là, on développe sa véritable identité filiale.
Jésus nous invite à aimer même nos ennemis et nos persécuteurs. Approche qui semble difficile à accepter mais qui ouvre les voies de libération de la haine et de la vengeance, voies sans issu, voies qui détruisent l’âme et le cœur.
Jésus nous invite pour cela au pardon et à la miséricorde comme vraie expression de notre volonté d’aimer et comme identification au Fils qui a parcouru cette voie lors de sa vie, de sa passion, mort et Résurrection. On comprend par le cœur que le Maitre a raison et que l’amour accepte la souffrance et l’incompréhension mais s’engage déjà dans la voie trinitaire. AB
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