Jésus était un nazaréen. Sa ville est bien connue et lui a laissé son nom. S’il fait partie de la lignée de David, donc de la tribu royale, c’est par son père adoptif Joseph. Son clan n’avait pas de prétention royaliste mais était bien situé dans la tradition d’Israël. Elle espérait le rétablissement d’un royaume légitime émanant du sang de David et respectant la Loi et l’Alliance. Le faire prétendre à la royauté davidique, durant son procès et sa passion, était une dérision liée à l’humilité de sa bourgade et au peu de puissance de son clan. Jésus, quant à lui, se situe à un autre niveau. Il est certes de la descendance de David mais son royaume concerne le Royaume de Dieu dont il veut être avant tout le serviteur et dont il sera le Roi. Jésus renverse les valeurs et donne tout leur poids aux catégories vétérotestamentaires. Il veut élever le débat et se sortir des impasses, des prétentions humaines trop terre-à-terre ou mondaines. Avant d’être un roi, il se doit d’être le serviteur selon la volonté de Dieu et prêtre de la nouvelle Alliance en son sang. Son parcours est étonnant mais bien connecté avec la tradition biblique. Il ouvre une ère nouvelle, celle de l’amour et de la communion. Il ouvre, par ses choix et son humilité, le cœur de Dieu, les bras de la Trinité, la communion trinitaire éternelle.

  1. Jésus le Serviteur.

On aime parler de Jésus comme le serviteur de Dieu. On aime moins utiliser le mot qu’il utilise : esclave. On aime encore moins parler du serviteur souffrant car la souffrance nous effraie et nous met mal à l’aise. Elle ne nous semble pas nécessaire au salut et y référer nous gêne. Et pourtant, Jésus est tout à la fois, le serviteur, le souffrant, l’esclave : bref,  « le Serviteur de YHWH » (Ex 3, 13-14 ; Isaïe 53, 10-11).

Serviteur : le service de Dieu est un service gratuit et volontaire. On n’y est pas contraint sinon quand on s’y est engagé par serment ou vœu. Servir veut dire se mettre entièrement sous la responsabilité de Dieu, l’honorer, lui rendre le culte qu’il mérite en tant que Dieu mais aussi rester dans la louange pour ses bienfaits et méditer sa Parole. On sert Dieu par le culte, certes, mais aussi par amour de son Nom. On le sert par le respect de sa Loi et sa proclamation. On le sert par une vie morale conséquente et par une attention aux autres. Ainsi, servir le Seigneur signifie lui donner la place qu’il mérite dans sa vie personnelle et communautaire, sa vie sociale et politique, sa vie relationnelle et spirituelle. Nous sommes tous, finalement, ses serviteurs, ouverts à sa Présence et soucieux de sa Providence. Créateur, nous en dépendons. Protecteur, nous en avons confiance. Père de tous, nous l’aimons.

Serviteur souffrant : apparaît cette image du serviteur souffrant qui pose question. La souffrance fait partie de la vie. Elle est physique car la maladie nous atteint. Elle est morale quand la peine nous ronge. Elle est spirituelle quand nous sommes touchés par le péché ou affectés par le mépris des autres. On voit bien que servir Dieu n’est pas de tout repos. Personnellement, car on ne se sent jamais assez purifié ou sanctifié. Communautairement, on ne se sent jamais complètement en harmonie. Socialement, on souffre des distances et des décisions en opposition avec la foi ou la Loi. Le serviteur souffrant est celui qui réalise cette distance, qui y voit les maux affectant les croyants, qui discerne les conséquences dramatiques de l’éloignement de la Loi et qui perçoit les manquements à l’Alliance. Il vit, dans son cœur et dans son corps, cette souffrance. Il l’associe à la peine de Dieu et y met une touche rédemptrice. Il s’offre en sacrifice pour réduire la distance et témoigner de l’amour. Jésus est le type même du serviteur souffrant et sa croix associera la souffrance spirituelle et physique au plus haut point. Elle donnera le salut.

Serviteur et Fils : en définitive, est-ce le Serviteur de Dieu ou le Fils qui nous sauve ? Sa souffrance ou sa nature divine ? Le salut ne pouvait être complet et total que par le sacrifice du Fils qui portera la souffrance et détruira ainsi la mort et le péché. Il réduit cette distance malheureuse qui nous éloigne du Père. Il assume les conséquences du péché. Il nous porte ainsi à la vie. Puisque le Serviteur est le Fils, la rédemption est donnée, le salut est accordé, la grâce est abondante. Non seulement il supprime la distance mais il nous introduit dans la Présence divine même, il ouvre les portes du Ciel, il perce le mystère de Dieu, il partage sa divinité, il nous emporte dans la communion trinitaire. Fallait-il souffrir pour accomplir cette Œuvre ? « Ne fallait-il que le Christ souffrît ces choses  et qu’il entrât dans sa gloire ?» (Luc 22, 26-27). Il restera toujours un mystère sur cette question, une part de questionnement, une insatisfaction. Il  reste que le salut est donné par lui.

Si le Christ est le serviteur, le Serviteur souffrant, il est avant tout le Fils qui a accompli l’Œuvre du Père. Il est désormais l’unique chemin vers Dieu et l’unique intermédiaire. Tout tourne désormais autour de lui. Il est devenu l’unique référence.

  1. Jésus, le Grand Prêtre.

Jésus est l’unique prêtre de la Nouvelle Alliance. Seul intermédiaire, il est le lien avec le Père et donne l’Esprit Saint. Le Nouveau Testament est clair. La Lettre aux Hébreux nous le rappelle. En se référant à ce qu’est un prêtre dans la Bible, elle ne voit l’équivalent qu’en Jésus désormais. Mais un Grand Prêtre, sans péché, parfait, touchant le cœur de Dieu. Le seul qui puisse ouvrir les flots de grâce divine et qui puisse nous introduire dans l’amitié divine. Les ministres ordonnés (épiscopes et presbytres et, aussi sans le sacerdoce, les diacres) du Nouveau testament n’ont d’autorité qu’en lui. Ils participent à sa charge.

Jésus intermédiaire : le prêtre est l’intermédiaire, le lien, le passeur, l’intercesseur. Il parle au nom du peuple et transmet la Parole au peuple. Il se tient ‘devant le Seigneur’ pour assurer la présence humaine face à la puissante Présence Divine. Jésus fait ce lien.

Jésus sacrificateur : le prêtre offre les sacrifices prescrits ou volontaires. Il sait comment satisfaire le Seigneur et l’apaiser mais aussi comment montrer son amour et le nôtre. Le sacrifice du Christ est unique et définitif car il est le Fils. Désormais, son sacrifice se transmet à toutes les générations et concerne l’univers. Fils de Dieu, il s’est offert une fois pour toute. Nous faisons mémoire de cela à chaque messe qui est Eucharistie (action de grâce) et Saint Sacrifice (communion). Le mémorial rend présent ce sacrifice accompli et nous y rend participants.

Jésus, lumière de la Parole : le prêtre porte la Parole de Dieu et l’explique. Jésus est la Parole de Dieu, le Verbe Eternel qui résonne dans nos cœurs et dans l’univers.

  1. Conclusion : motivés par l’amour.

Jésus a souffert par amour. Il intercède par amour. Il nous plonge dans l’amour. La Trinité est l’amour