La Fête de toutes les fêtes, la Solennité de la Sainte Trinité est à la porte. Pour nous, membres de la famille trinitaire, c’est un moment particulier de grâce et de remerciement. Nous sommes tous d’une manière spéciale consacrés à la Sainte Trinité. Nous Lui appartenons irrévocablement et totalement. Nous vivons en Dieu et tout ce que nous entreprenons est pour Sa plus grande gloire ! Rendons-Lui hommage en vivant pleinement notre vocation.
Cette année est particulièrement marquée par de nombreux chapitres. Nos sœurs de Valencia célèbreront leur chapitre général en juillet et la plupart des juridictions de l’Ordre célébreront leur chapitre respectif. Nous ne manquerons pas de nous unir à eux dans la prière. En outre, nous avons commencé la préparation de notre prochain chapitre général, qui se tiendra à Rome du 9 au 23 juin 2019 dans la maison de spiritualité Santi Giovanni e Paolo des Passionistes. Son thème est : Appelés par le dessein providentiel de la Trinité pour annoncer l’Evangile. Il se concentrera sur le ministère de la promotion vocationnelle ! Comme vous le savez, le prochain synode des évêques d’octobre traitera de la question des jeunes, de la foi et du discernement vocationnel. Ainsi, sommes-nous en syntonie avec la réflexion de toute l’Église.
Face à ce sujet crucial des jeunes et du discernement vocationnel, nous sommes mis au défi de vivre toujours plus fidèlement notre sublime vocation trinitaire et de témoigner de sa valeur et de sa beauté de la manière aussi radieuse et efficace que possible. Je n’ai pas besoin de vous redire combien les jeunes de notre temps luttent pour comprendre et vivre leur foi et leur engagement chrétien. Religieux ou laïc, notre foi et notre style de vie devraient convaincre, désigner la Trinité et la valeur de notre vie trinitaire. Une profonde communion avec Dieu trois fois Saint et un véritable amour de nos frères et sœurs, particulièrement ceux qui souffrent, les pauvres et les captifs, nous permettrons de rendre notre témoignage plus vibrant et plus attrayant pour les jeunes.
Dans notre patrimoine familial si riche et si précieux, Dieu nous a bénis tout au long de notre histoire, en nous offrant de nombreux témoins exceptionnels de notre vocation et de notre mission. Ces hérauts du charisme et de la spiritualité trinitaires nous encouragent par leur communion et leur solidarité. Ils nous rappellent que nous ne sommes pas seuls dans notre combat spirituel. Dans ce cadre, je voudrais vous partager quelques bonnes nouvelles. D’abord, le procès diocésain supplétif de nos martyrs d’Alger vient d’être déposé à la Congrégation pour la Cause des Saints. Nous attendons également, sous peu, la déclaration des vertus héroïques de sœur Angela Autsch, religieuse trinitaire de Valencia, qui a donné sa vie en servant les prisonniers du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Méditant sur leurs vies exceptionnelles et leur témoignage de foi et de charité ardente, on ne peut qu’être inspiré et encouragé à vivre notre vocation trinitaire avec plus d’enthousiasme.
Tout d’abord, ces trois martyrs d’Alger dont nous venons de parler plus haut, ces serviteurs de Dieu sont les frères Bernard de Monroy, Juan de Aguila et Juan Palacios. Ces trinitaires espagnols venaient d’achever une rédemption à Alger en 1609. Au moment d’embarquer pour rentrer au pays avec les 130 captifs libérés, ils se font arrêter ainsi que les rachetés. Nos frères sont jetés au bagne de l’Empereur le 16 mai 1609. Au milieu d’épreuves et de souffrances indicibles, ils n’ont cessé de servir leurs compagnons d’infortune. Juan de Aguila meurt après seulement quatre années de captivité, Juan Palacios après sept années, seul survivant, Bernard de Monroy mourra le dernier après treize longues années de captivité. Saint Simon de Rojas, qui leur était attaché, usa de toute son influence auprès de la cour d’Espagne afin d’en obtenir la libération, mais en vain. Durant toute leur captivité, il entretenait avec eux une correspondance assidue les encourageant à persévérer comme de vrais témoins de leur foi. A la mort du dernier d’entre eux, saint Simon introduisit en Espagne leur cause de béatification.
Il serait trop long de décrire quelque peu les innombrables difficultés et souffrances de leur captivité. Le sentiment d’insécurité était pour eux la cause de tourments et d’angoisse. «Ainsi, que nous dormions, que nous veillions, priions, prêchions, que nous entendions des confessions ou adonnions à quel qu’autre exercice de notre état et professions, nous ne sommes jamais sûrs qu’ils nous laisseront faire… déjà ils nous sacrifient des libertés des chrétiens ; des rachetés et des captifs ». Leur grande souffrance était de voir des compagnons de captivité apostasier et cela malgré leurs innombrables efforts pour les encourager à la fidélité à leur foi. Toutefois Dieu leur donne aussi la consolation de voir le fruit de leur ministère dans la persévérance et la fidélité de nombreux autres. L’Eucharistie, célébrée par ces vénérables religieux au milieu de multiples souffrances, était une authentique prolongation du Sacrifice du Calvaire dans les personnes des célébrants. Un captif déclarait avoir vu Palacios et Monroy «reliés par une chaîne, qui les faisait beaucoup souffrir; célébrer ainsi la messe bien des fois aux cours des six années qu’il les avait connu. Quant au Père Aguila, il le vit avec une grosse chaine aux pieds et enroulé autour du corps; et quelquefois alors qu’il montait les escaliers depuis sa chambre jusqu’à la chapelle, il se plaignait du poids de cette grosse chaîne ; et arrivé à l’autel, il disait la messe en la trainant. Moi à cause de cela, je m’attendrissais et je pleurais ».
Outre ces trois religieux, nous ne pouvons pas ne pas signaler le témoignage de deux vaillants laïcs trinitaires brûlés vifs à Alger pour leur attachement au Christ. Le premier, Pedro de Torres Miranda, avait été racheté par le frère Bernard Monroy. Il lui tiendra compagnie pendant sa captivité, l’assista et devint l’infirmier du petit hôpital qu’ils ont pu installer au bagne. Il meurt le 5 septembre 1620. Un second est Pedro de la Conception, qui, pour encourager la foi des captifs chrétiens, se rendit à la grande mosquée et y prêcha avec zèle Jésus et les vérités de la foi chrétienne et cela au mépris de la peine de mort qu’il risquait d’encourir. Délogé de la mosquée, il sera condamné à mort par le Divan. Il meurt le 19 juin 1667 sur le bûcher répétant à plusieurs fois : « Loué et béni soit le Très Saint Sacrement et l’immaculée conception de la Bienheureuse Vierge Marie ».
Sœur Angela du Sacré-Cœur, née Maria Autsch, religieuse trinitaire de Valencia, voit le jour en 1900 à Röllecken (Sauerland, Allemagne). En 1933, elle entre au couvent à Mötz, seule communauté germanophone à l’époque de cet Institut. Elle fait profession perpétuelle en 1938, l’année de l’Anschluss. Beaucoup de ses contemporains se sont laissés abuser par la propagande nazie, sœur Angela Autsch, était une des rares personnes à avoir compris la folie de cette idéologie et osa s’y opposer avec courage. Au début d’août 1940, elle traite publiquement « Hitler de fléau de l’Europe ». Dénoncée, elle est arrêtée par la Gestapo le 12 août pour insulte au Führer. D’abord incarcérée à la prison de la police à Innsbruck, elle est transférée au camp de Ravensbrück puis à Auschwitz, où elle mourra le 23 décembre 1944, sous le matricule 512.
Tout au long de son calvaire, immergée dans la misère et l’oppression au milieu de tant de souffrances indicibles, sœur Angela conserve une foi inébranlable en Dieu Trinité et en l’humanité. Elle se fait servante de tous sans distinction de race, de religion, de culture ou d’antécédents. Négligeant sa propre santé, elle fait son possible pour protéger et soutenir ceux qui étaient privés de leur dignité et de leur liberté. Dans le camp comme dans les baraquements dans lequel elle évolue, elle arbore un sourire radieux, réconforte et console ceux qui se trouvaient dans la détresse ou la souffrance. Pour tous ces malheureux qu’elle servait comme infirmière, elle est un ange de paix et de sérénité.
Dans ce contexte du camp, même sans le soutien sacramentel ou pastoral, Angela, offre espoir et sens aux personnes qu’elle rencontre. Quel est donc le secret de sa force intérieure et de sa joie ? Nous possédons le témoignage de son esprit de prière et de foi d’une de ses codétenues : « Bożena Teichner, juive, déclare : « Au camp de concentration, il était très difficile d’accomplir ses devoirs religieux. Mais je remarquais que sœur Angela priait fréquemment ». Sa prière continue, sa dévotion à la Sainte Vierge, sa compréhension théologique de la souffrance, son don total d’elle-même aux prisonnières et son abandon entre les mains de Dieu l’ont aidée à rester ferme dans sa foi et à rayonner d’espoir et de joie autour d’elle. Le 23 décembre 1944, lors d’un bombardement aérien du camp d’Auschwitz, sœur Angela meurt d’une crise cardiaque. Bien que la cause immédiate de sa mort n’ait pas été le martyre, son expérience d’épreuves et de souffrances intenses pendant plus de quatre ans dans le camp de concentration fut un lent martyre.
Ces martyrs et ces témoins héroïques venant des différents états de vie de notre Famille (laïcs, religieux, religieuses), proclament à travers les siècles haut et fort la fécondité de notre charisme et de notre vocation. Quel tableau de splendides témoignages de la vocation trinitaire ! Alors que le phénomène de la persécution des chrétiens se poursuit sans relâche aujourd’hui, tournons-nous vers la Sainte Trinité, source de vie et de force, pour qu’Elle nous communique la générosité et la constance dans notre foi et dans notre engagement rédempteur. En célébrant la solennité de la Sainte Trinité, préparons et vivons ces différents chapitres, et qu’en commémorant avec gratitude nos martyrs et tous ces témoins héroïques, que chacun de nous, religieux ou laïc trinitaire, puisse être une flamme resplendissante de notre amour passionné pour Dieu-Trinité et de notre vocation généreuse d’amour et de service pour les persécutés et les captifs de nos jours !
Rome, le 11 mai 2018
Mémoire du Bienheureux Dominique Iturrate
Votre frère,
Jose Narlaly, O.SS.T.,
Ministre général
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